29 décembre 2024 – Sécheresse et régression des populations de Perdrix (Mr Moulay Youssef ALAOUI).
décembre 29, 2024
29 décembre 2024 – Sécheresse et régression des populations de Perdrix (Mr Moulay Youssef ALAOUI).
29 décembre 2024 – Sécheresse et régression des populations de Perdrix (Mr Moulay Youssef ALAOUI).

Les relations entre la sécheresse et la régression des populations de perdrix est une question d’actualité puisque notre pays a vécu 5 années de sécheresse successives et cette année ne prévoit rien de bon. Nous sommes à la mi-décembre ! Les pluies ont été très faibles sur une grande partie du pays et sont loin de satisfaire les agriculteurs. Elles ne permettront pas non plus de reconstituer les nappes phréatiques qui sont déjà mises à mal par le pompage et l’augmentation du nombre de puits.

Tous les chasseurs, et en particulier les plus âgés, notent que les saisons qui arrivent après une année de sécheresse ne sont pas très bonnes. A l’ouverture, les compagnies de perdrix sont rares et souvent composées de 5 à 6 oiseaux seulement.

Au Maroc il n’y a jamais eu de recherche ou de mémoire de fin d’études sur cette relation SECHERESSE - REGRESSION des populations d’espèces-gibier.

J’ai consulté les publications italiennes de l’Université de Cagliari (car il y a une population de Perdrix gambra en Sardaigne) et les publications espagnoles de l’Université de Las Palmas. Des biologistes de cette université ont effectué quelques recherches sur les populations de Perdrix gambra des Iles Canaries mais aucune sur la relation sécheresse - reproduction.

J’ai aussi consulté les publications dans les revues scientifiques françaises et espagnoles (revue de l’office français de la chasse : gibier faune sauvage et les revues de l’ICONA - Eaux et Forêts en Espagne) mais je n’ai rien trouvé sur cette relation sécheresse et faible reproduction de la perdrix. En fait pour la France, le Portugal, l’Espagne et l’Angleterre qui possèdent des populations de Perdrix rouge (Alectoris rufa) qui se rapprochent de la nôtre, la gambra (Alectoris barbara), le problème qui se pose n’est pas la sécheresse mais plutôt les années très pluvieuses et des chercheurs en biologie du gibier (organismes d‘Etat ou universitaires) en Europe ont suivi des couples de perdrix munis de collier GPS et ont prouvé que les printemps pluvieux annoncent souvent une mauvaise saison de chasse, car les nids sont noyés puis sont abandonnés. Donc le problème est plus l’excès d’eau que la sécheresse !

J’ai consulté également les actes des symposiums et congrès sur la chasse. En ce qui concerne le Maroc, il serait souhaitable que le centre de recherche forestière de l’ANEF, la fédération Royale de chasse, et les départements de biologie des facultés des sciences s’intéressent à ces problèmes pour améliorer la gestion des populations sauvages de perdrix (ou ce qu’il en reste).

La recherche scientifique sur ces problèmes demande des moyens humains et matériels (des chercheurs passionnés par ces recherches qui demandent beaucoup de patience et du matériel onéreux : collier GPS, captures de perdrix sauvages, baguage des perdrix etc.). Ces recherches doivent être effectuées pendant plusieurs années pour avoir des résultats scientifiques fiables.

A défaut de recherches scientifiques, les chasseurs et les gestionnaires de lots amodiés peuvent évaluer une mauvaise reproduction en analysant les tableaux de chasse. La méthode est simple, à condition de savoir reconnaitre les perdrix adultes et les jeunes de l’année. À la fin de la journée de chasse, il faut regrouper toutes les perdrix prélevées au cours de la journée (pour avoir un échantillon valable scientifiquement) et faire le rapport perdrix adultes / jeunes de l’année. Si le nombre de jeunes est faible, c’est que la reproduction a été mauvaise et qu’il faut réduire le nombre de jours de chasse ou bien fermer la chasse (Je ne parle ici que des populations sauvages - en cas de lâchers de perdrix d’élevage les résultats sont biaisés).

J’ai retrouvé dans mes archives l’analyse de quelques tableaux de chasse que j’ai effectué les premiers jours de l’ouverture de la chasse des saisons 1982-1983 et 1983-1984. En 1982 et 1983, nous avons eu des sécheresses dramatiques. Certains chasseurs d’une association amodiataire d’un lot de chasse ont bien voulu collaborer à l’étude et nous ont permis d’analyser le tableau de chasse. Après identification des adultes et des jeunes nous avons trouvé les résultats suivants :

  • À l’ouverture en octobre 1982 : 60 Perdrix avec 43 adultes et 17 jeunes de l’année. Ces chiffres indiquent que la reproduction a été mauvaise. L’association amodiataire a réduit le nombre de jours de chasse et le prélèvement à 3 perdreaux par jour et par chasseur.
  • J’ai refait la même opération à l’ouverture de la saison 1983 en analysant les perdrix le 1er jour d’ouverture : 64 Perdrix avec 44 adultes, 16 Jeunes de l’année et 4 dont l’âge et le sexe étaient indéterminés. Le 2me jour de l’ouverture : 62 perdrix étudiées dont 42 adultes, 18 Jeunes de l’année et 2 dont l’âge et le sexe étaient indéterminés.

C’était une époque où il n’y avait pas de perdrix d’élevage et il fallait gérer les populations sauvages (la station d’élevage de Bouznika ne commencera à produire que les années suivantes).

L’analyse n’a donc porté que sur des oiseaux sauvages. Les résultats des analyses des tableaux de chasse montrent que la reproduction n’a pas été bonne : les biologistes du gibier estiment qu’une reproduction n’est bonne que si les jeunes de l’année représentent plus de 60% du tableau de chasse.

À défaut de résultats de la recherche nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses pour expliquer la régression des populations de perdrix après une année de sécheresse :

1 : En février, les couples se forment, préparent le nid mais la femelle ne pond pas (autorégulation ???). Il peut y avoir certaines mortalités d’adultes.

2 : La femelle pond mais comme elle n’a pas pu se nourrir à cause de la sécheresse, la grappe ovarienne est réduite. La taille de ponte serait petite (6 à 8 œufs). Rappelons que des études faites sur plusieurs centaines de nids pour avoir une bonne assise statistique, montrent que la taille de ponte moyenne chez la Perdrix gambra est de 15 œufs.

3 : Les taux de survie des jeunes après l’éclosion : les pouillards vont évoluer dans un milieu très défavorable - peu d’insectes (les 15 premiers jours de leur vie les pouillards sont insectivores), peu de nourriture, pas d’eau, etc. Il y aura donc beaucoup de pertes ce qui explique la régression des populations de perdrix après une année de sécheresse.

La sécheresse n’est pas la seule responsable : le braconnage, lui par contre, sévit à longueur d’année.

Si d’autres amis de l’académie de la chasse peuvent compléter mes observations, ce serait une bonne chose.

Perdrix gambra (Photo H. Bousadick, 20 mars 2016).